Opérations d’apport-cession : le puzzle se complète

Lu pour vous, dans le Cercle des Fiscalistes :

Abus de droit
10 09 2012
Opérations d’apport-cession : le puzzle se complète
Complétant une série d’arrêts rendus depuis octobre 2010 à l’égard d’opérations réalisées sous le régime du report d’imposition, le Conseil d’Etat étend sa position de principe aux opérations réalisées en sursis d’imposition. Cette « clarification » laisse encore de nombreuses zones d’ombre et illustre -au détriment des contribuables- un bien sombre épisode d’insécurité juridique. 
Rappel. 

La technique de  l’apport-cession consiste, pour un contribuable qui prévoit de céder des titres, à les apporter à une société soumise à l’IS qui procédera à la vente. Primo, la plus-value réalisée par le contribuable bénéficie de plein droit d’un report ou d’un sursis d’imposition (article 150-0 B applicable à compter du 1.1.2000). Secundo, la réévaluation du bien induite par l’apport a pour effet de réduire à due concurrence la plus-value réalisée par la société. Le contribuable se retrouve finalement avec les titres d’une société disposant d’une trésorerie égale -ou presque- au prix de vente obtenu, qu’elle consacre à réaliser des investissements pour son propre compte.

Présomption de fraude

Le CE identifie par principe un abus dans un tel schéma, sauf pour le contribuable à établir qu’il poursuit ce faisant un objectif « économique » absolutoire : «Considérant que le bénéfice du sursis d’imposition d’une plus-value réalisée par un contribuable lors de l’apport de titres à une société qu’il contrôle et qui a été suivi de leur cession par cette société est constitutif d’un abus de droit s’il s’agit d’un montage ayant pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l’apport ; qu’il n’a en revanche pas ce caractère s’il ressort de l’ensemble de l’opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique».
En toute logique, la neutralité fiscale de l’apport de titres à une société est justifiée par le fait que l’opération ne confère pas à son auteur la trésorerie qui permettrait d’acquitter l’impôt de plus-value. La taxation de la plus-value d’échange est donc différée à la date de la vente des titres reçus en contrepartie de l’apport. 
 
En outre, le bénéfice du sursis –ainsi jadis que celui du report- n’est subordonné par la loi à aucune condition tenant à la conservation par la société des titres reçus en apport, ou à la nature des investissements réalisés en emploi du produit de la vente de ces mêmes titres.
 
Et pourtant …
 
Dès lors que le contribuable ne commet aucune manœuvre pour s’approprier le prix de cession, la trésorerie étant scrupuleusement maintenue dans le patrimoine social pour y être réinvestie par la société, il semblait permis de penser que le grief d’abus n’était pas encouru.

C’est d’ailleurs ce qu’avait fini par admettre en 2005 le Comité de l’abus de droit au motif que le caractère automatique du sursis d’imposition  «n’offre pas au contribuable le choix entre la taxation immédiate de la plus-value et son imposition ultérieure». Telle n’est finalement pas la position du CE pour qui «cette seule circonstance ne fait pas obstacle à l’application de la procédure de répression des abus de droit, dès lors que l’opération d’apport de titres à une société soumise à l’IS, dont l’intérêt fiscal est de différer l’imposition de la plus-value, a nécessairement pour effet de minorer l’assiette de l’année au titre de laquelle l’impôt est normalement dû ».  

En définitive, l’impôt est donc «normalement» dû lorsque le contribuable apporte ses titres à une société qu’il contrôle. Il est alors considéré comme disposant effectivement des liquidités obtenues lors de la cession, nonobstant leur possession juridiquement parfaite par la société dont l’existence en tant que telle n’est pas remise en cause. 
 
Bien que nulle trace tangible et explicite de l’intention du législateur ne soit disponible en ce sens, le CE institue une présomption de fraude à laquelle le contribuable n’échappe  que lorsque la société contrôlée a «effectivement réinvesti le produit de la cession dans des activités économiques». 

ll aura donc fallu plusieurs décennies pour que s’exprime par la voie judiciaire une volonté que le législateur, pourtant peu avare de textes et de réformes précédés de travaux parlementaires multiples, n’avait pas cru utile de porter à la connaissance des contribuables. Dans l’intervalle, il leur appartenait de la deviner. A défaut, on la leur enseigne a posteriori et cette  leçon vaut bien un fromage, sans doute … fort coûteux, puisqu’à l’impôt de plus-value mis à la charge du contribuable, s’ajoutent les intérêts de retard et une pénalité de 80% ! 

Bien des zones d’ombre demeurent
Pour autant, les fumées du chamanisme judiciaire ne donnent pas une vision complète de la Vérité conçue par le législateur, puisque de nombreuses questions très concrètes et fondamentales restent posées auxquelles les réponses ne sont apportées que de manière empirique et sporadique, au fil des arrêts.
 
La jurisprudence disponible enseigne que la notion d’«activité économique» doit être comprise par opposition à celle d’investissement à « caractère patrimonial». Ces concepts restent empreints d’un flou certain puisque l’on n’en trouve nulle part la moindre définition. Il apparaît qu’est patrimoniale l’activité de gestion d’immeubles de rapport et de placements financiers. L’acquisition d’immobilier tel que des locaux commerciaux ne peut être admise que si la société cessionnaire les exploite elle-même dans le cadre d’une activité industrielle, commerciale, libérale ou agricole.
 
La prise de contrôle d’une société exerçant une activité de ce type constitue un emploi «agréé» par le CE. Dans la mesure où l’on croit comprendre que la notion d’activité économique est plus large que celle d’activité professionnelle, qui suppose une implication personnelle dans la gestion, il semble concevable que la direction opérationnelle de l’affaire soit assurée par un tiers. 
 
Autre configuration qu’il paraitrait légitime de traiter favorablement : celle de la prise de participation même minoritaire dans une société dès lors que le contribuable y exerce personnellement son activité professionnelle. Peut-on se hasarder à penser que l’activité à haut risque de «business angel» qui consiste à financer des «start up» dans le but d’en revendre à terme les titres avec profit, procède d’investissements dans des «activités économiques» ? Le bon sens commanderait à notre avis de répondre positivement …
 
Que recouvre la notion de «part significative» du produit de la revente que doivent représenter les réinvestissements requis ? 25%, 51%, 75% ? Par un avis récent (n° 2011-17) auquel l’administration s’est officiellement ralliée, le Comité a admis qu’une proportion de 39 % est suffisante. S’agit-il d’une solution d’espèce déterminée par des circonstances particulières ou d’une indication revêtant une portée générale ? 
 
S’agissant du délai de remploi, le CE se montre pragmatique puisqu’il admet de prendre en considération des projets d’investissements, pour autant qu’ils soient dûment documentés, ou des investissements réalisés postérieurement à la réception de la proposition de rectification, notamment dans l’hypothèse où le contribuable se positionne sur un nouveau secteur d’activité et engage sa société dans un investissement important, qui suppose de nouer des contacts divers et d’entreprendre des démarches préalables nombreuses. Le CE aura à se prononcer prochainement sur la situation où il a été jugé en appel que la notification du redressement pour abus de droit dont le montant représentait près de la moitié du produit de la cession, justifiait « la décision de suspendre, dans l’attente du règlement de ce litige fiscal, toute décision d’investissement» (CAA Lyon 27.10.09 n° 07-2295). En pareille circonstance, il paraît effectivement permis d’espérer la bienveillance de la Haute Juridiction.

Article rédigé par Luc JAILLAIS, avocat associé et Cyril MODICOM, avocat, C’M’S’ Bureau Francis Lefebvre

Source: Article paru dans ” Option Finance ” 10 septembre 2012 

 

 

Exonération des plus-values de cession d’une entreprise individuelle

Lu pour vous, dans INFOREG, le site de Chambre de Commerce et d’industrie de Paris

Date de mise à jour : 01/07/2007
POINTS CLES :
L’article 238 quindecies du Code général des impôts (CGI) prévoit une exonération totale ou partielle des plus-values en cas de cession d’une entreprise individuelle, d’une branche complète d’activité ou de l’intégralité des parts sociales de sociétés de personnes. L’exonération s’étend aux prélèvements sociaux (CSG et CRDS).
Remarque : ce dispositif n’est pas cumulable avec celui prévu à l’article 151 septies du CGI qui exonère, totalement ou partiellement, les entreprises individuelles d’impôt sur les plus-values

I. CONDITIONS D’EXONÉRATION

Le bénéfice de l’exonération est subordonné à la réunion de plusieurs conditions cumulatives.

A. Régime fiscal de l’entreprise cédante

Le dispositif d’exonération est susceptible de bénéficier tant aux entreprises individuelles qu’aux sociétés commerciales (SARL, SA, …) sous réserve d’exercer une activité commerciale, artisanale, industrielle, libérale ou agricole.

1. Entreprises relevant de l’impôt sur le revenu (IR)

Sont visées :
- les entreprises individuelles ;
- les sociétés de personnes soumises à l’IR, telles que les EURL dont l’associé unique est une personne physique, les sociétés en nom collectif et les SARL de famille ayant opté pour cet impôt.
L’exonération bénéficie à ces entreprises quel que soit leur régime d’imposition (micro-entreprises, régime simplifié, régime du réel normal).

2. Entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (IS)

Pour être éligibles au dispositif d’exonération, les sociétés soumises à l’IS (de plein droit ou sur option) doivent remplir les conditions suivantes :
- employer moins de 250 salariés ;
- avoir réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ou avoir un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros ;
- avoir libéré leur capital entièrement. Cette condition s’apprécie à la date de la réalisation de l’opération de cession ;
- le capital doit être détenu de manière continue (c’est-à-dire tout au long de l’exercice social de réalisation de la plus-value) pour 75 % au moins, directement ou indirectement, par des personnes physiques.

B. Nature des biens cédés

La mesure concerne les transmissions à titre gratuit (donation, succession) et à titre onéreux d’entreprises individuelles, de branches complètes d’activité et de parts de sociétés de personnes.

1. L’entreprise individuelle

Le législateur ne définit pas la notion d’entreprise individuelle. Toutefois, celle-ci s’analyse en un ensemble de biens meubles ou immeubles, corporels (machines, stocks, par exemple) ou incorporels (fonds de commerce, brevet, par exemple) affectés à l’exercice d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

2. La branche complète d’activité

Par branche complète d’activité, on entend l’ensemble des éléments d’actif et de passif d’une division d’une entreprise qui constitue, du point de vue de l’organisation, une exploitation autonome, c’est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens. L’actif est composé notamment de la clientèle, du matériel, des stocks, des créances clients. Tandis que le passif regroupe, notamment, les dettes fournisseurs et les emprunts auprès des établissements de crédit.
Ainsi, par exemple, n’entrent pas dans le champ d’application de l’exonération les opérations portant exclusivement sur la cession de marques, de matériels ou de droit au bail.
Par ailleurs, l’administration fiscale considère que la qualification de branche complète d’activité relève de l’appréciation des faits. En particulier, concernant le critère d’autonomie de la branche, celui-ci se détermine au regard d’un faisceau d’indices tels que l’existence d’une clientèle, de personnel, d’installations et d’une comptabilité propres.

3. Les parts de sociétés de personnes relevant de l’IR

Peuvent bénéficier du dispositif, les cessions portant sur l’intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans le cadre d’une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, dès lors que ces biens sont considérés comme des éléments d’actif affectés à l’exercice de la profession.

C. Durée d’exercice de l’activité

L’activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans. Ce délai est décompté à partir du début d’activité c’est-à-dire de la date de création ou d’acquisition du bien cédé, jusqu’à la date de réalisation de la plus-value.

D. Absence de liens de dépendance entre le cédant et le cessionnaire 

Attention : cette condition ne vaut que pour les cessions à titre onéreux.

Le cédant ne doit pas être dans l’une des situations suivantes :
- détenir, directement ou indirectement, le contrôle de la société cessionnaire. Tel est le cas s’il possède plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices de la société repreneuse ;
- exercer en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société cessionnaire. Cela concerne :
- les personnes qui ont les fonctions générales de gestion et d’administration en qualité de gérant, co-gérant, directeur général ou directeur général délégué, président du directoire, président ou membre du conseil d’administration de la société. De manière générale, cela vise toute personne désignée pour être responsable des actes de gestion et de leur résultat ;
- le cédant qui dirige en fait l’entreprise cessionnaire. La direction de fait se définit comme l’exercice d’une activité positive de gestion et de direction, en toute souveraineté et indépendance.
Lorsqu’il s’agit d’une société, l’absence de lien de dépendance doit également être observée entre les associés de l’entreprise cédante et le cessionnaire. Ainsi :
- dès lors qu’un associé détient, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cédante, celui-ci ne doit pas détenir, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices de l’entreprise cessionnaire ;
- il en est de même quand il assure la direction effective de la société cédante : il ne doit pas exercer, à l’issue de la transmission de l’entreprise, la direction effective la société cessionnaire.
L’appréciation du respect de la condition s’effectue au moment de la réalisation de l’opération et au cours des trois années qui suivent.

E. Cas particulier : le fonds de commerce mis en location-gérance

La transmission d’un fonds de commerce faisant l’objet d’un contrat de location-gérance peut bénéficier du régime de faveur si :
- l’activité est exercée depuis cinq ans au moment de la mise en location. Il est donc tenu compte uniquement de la période d’exploitation du fonds par le loueur lui-même, avant la conclusion du contrat de location ;
- la transmission est réalisée au profit du locataire.

II. RÉGIME DE L’EXONÉRATION

A. Portée de l’exonération

L’exonération concerne aussi bien les plus-values à court qu’à long terme.
Les plus-values résultant de la cession des biens immobiliers bâtis ou non bâtis sont exclues de l’exonération. Celles-ci sont donc soumises au régime des plus-values professionnelles . Il en va de même pour les stocks.
Sont également exclues du régime d’exonération, les parts d’une société à prépondérance immobilière dès lors que l’actif de cette société est composé à plus de 50 % de biens immobiliers qui ne sont pas affectés à l’exploitation de l’activité.

B. Exonération totale de plus-value

Pour que l’exonération de plus-value soit totale, les éléments de la branche complète d’activité cédée ou de l’entreprise individuelle qui servent au calcul des droits d’enregistrement doivent avoir une valeur n’excédant pas 300 000 € hors taxes. Concrètement, cela revient à prendre en considération la valeur du fonds de commerce stricto sensu, à l’exclusion des immeubles et des stocks.

Par exemple, une branche complète d’activité est cédée pour un montant de
400 000 €. La valeur du fonds de commerce « inclus » dans cette branche est de 250 000 €. La plus-value dégagée par la cession est alors exonérée d’impôt puisque le respect de la condition du seuil de 300 000 € est apprécié par référence à la valeur du fonds de commerce.
Si la valeur des biens cédés est inférieure à 300 000 €, et sous réserve que toutes les conditions soient réunies, les plus-values sont exonérées d’impôt pour leur totalité. L’exonération vise aussi bien les plus-values à court terme que celles à long terme.

C. Exonération partielle de plus-value

Une exonération partielle de la plus-value est accordée dès lors que le valeur des biens cédés est comprise entre 300 000 € et 500 000 €. Le montant de la plus-value exonérée est alors déterminé de la manière suivante :
[(500 000 - valeur des biens transmis) / 200 000] x plus-value
Par exemple, un entrepreneur individuel vend son fonds de commerce 425 000 € acheté 10 ans auparavant pour une valeur de 200 000 €. La plus-value dégagée est donc égale à : 425 000 - 200 000 = 225 000 €
Celle-ci est exonérée à hauteur de :
[(500 000 - 425 000) / 200 000] x 225 000 = 84 375 €
La plus-value est, par conséquent, taxée pour un montant de 140 625 € à hauteur de 27 %

Cession d’une entreprise en pleine propriété : un abattement

La newsletter publiée par Newsmanagers nous informe :


Par Newsmanagers avec Lamy patrimoine / 20 Octobre 2008 / 00:00
Un abattement de 300.000 euros s’applique à certaines conditions précisées par la loi LME.
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dite loi LME insère dans le Code général des impôts un article 732 ter qui prévoit un abattement de 300.000 euros sur la valeur du fonds ou de la clientèle ou sur la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle s’agissant de « la liquidation des droits d’enregistrement en cas de cession en pleine propriété de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèles d’une entreprise individuelle ou de parts ou actions d’une société » (Loi LME, art. 65).

Pour bénéficier de cet abattement, l’article 732 ter du Code général des impôts pose, de façon exhaustive, un certains nombres de conditions et précise dans son II que cet abattement ne pourra s’appliquer qu’une seule fois entre un même cédant et un même acquéreur.

Source : Lamy Patrimoine