Inégalités: la fiscalité française est-elle exemplaire?

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Inégalités: la fiscalité française est-elle exemplaire?

Par Laurent Martinet, avec AFP, publié le 02/05/2014 à 17:18, mis à jour à 17:29

Les plus hauts revenus concentrent une part de plus en plus importante de la richesse mondiale. L’OCDE plaide pour qu’ils soient mieux taxés. Affaire de justice sociale, mais aussi d’efficacité économique.


Les Indignés à Nantes en 2011:”Nous sommes les 99%. Dehors les 1%”
REUTERS/Stephane Mahe

Piketty a encore frappé. Le mois dernier, il présentait à la Maison Blanche Le Capital au XXIe siècle, son best-seller dénonçant la persistance des inégalités dans le monde développé. “Il y a longtemps que les démocrates nous sollicitent”, se flattait l’économiste français. Aujourd’hui, c’est encore mieux. La très libérale OCDE, organisation des pays les plus riches du monde, invoque ses travaux pour réclamer une taxation accrue des plus riches. Les capitalistes sont-ils devenus fous?

Les plus riches plus gourmands

Dans son nouveau rapport sur l’évolution des plus hauts revenus depuis 30 ans, l’OCDE se fonde sur les chiffres collectés par Thomas Piketty, Emmanuel Saez, Facundo Alvaredo et Tony Atkinson pour l’Ecole d’économie de Paris sur l’évolution des écarts de revenus au XXe siècle. Aux États-Unis, la part du revenu national allant au “dernier centile”, c’est-à-dire au 1% de la population la plus riche, a été multiplié par 2,5: les hyper-riches captaient 8% de la richesse en 1981 contre 20% en 2012. La part de revenu détenue par les 1% passe dans le même laps de temps de 6% à 14% en Grande-Bretagne, de 10% à environ 13% en Allemagne, ou de moins de 5% à plus de 10% au Portugal. L’OCDE note aussi de fortes poussées dans des pays réputés pourtant plus égalitaires, comme la Finlande, la Norvège ou la Suède, ou la part des revenus détenus par les 1% a grimpé de 70% en 30 ans. Dans l’ensemble, la tendance est simple: le revenu des plus riches augmente plus vite que celui des classes intermédiaires, tandis que celui des plus pauvres stagne.


Augmentation des plus hauts revenus 1981-2012

OECD (2014), “Focus on Top Incomes and Taxation in OECD Countries: Was the crisis a game changer?”

Le FMI joue aussi les Robins des Bois

L’OCDE n’est pas la première organisation internationale “libérale” à s’inquiéter ainsi du creusement des inégalités. Le FMI, longtemps accusé de négliger cette thématique dans les pays pauvres soumis à ses programmes, multiplie depuis l’an dernier les rapports sur les inégalités. Il avait fait sensation il y a quelques mois en assurant qu’il serait possible de taxer “davantage” les hauts revenus.

“Sans une action concertée des pouvoirs publics, l’écart entre riches et pauvres devrait continuer de se creuser au cours des prochaines années”, alerte Angel Gurría, secrétaire général de l’organisation. “C’est pourquoi il est capital de veiller à ce que les plus hauts revenus acquittent une juste part de l’impôt”. L’opinion publique inquiète l’OCDE, car “elle ne peut pas admettre que les PIB augmentent sans que la majorité en bénéficie”. Les mouvements Occupy Wall Street et Indignés sont passés par là, se réclamant des “99%” de la population mis à l’écart de la répartition des richesses. Mais il ne s’agit pas simplement de justice sociale. La croissance a besoin de la consommation, et elle pourrait péricliter si une part de plus en plus importante des citoyens était exclue du banquet.

Vive la France!

La France fait exception dans ce paysage, avec l’Espagne et les Pays-Bas, puisque la part des 1% y est restée stable, passant de 7 à 8% environ. Or, si l’OCDE propose plusieurs pistes pour expliquer la concentration de la richesse - la révolution numérique mondiale et ses salariés hyper compétents, le rôle des stock-options dans la rémunération de certains cadres - elle n’en voit qu’une pour y remédier: reprendre aux 1%, par l’impôt, le revenu qu’ils ont accumulé et le capital qu’ils ont pu constituer. En effet, le taux d’imposition des plus hauts revenus n’a fait que décroître depuis 1981, malgré une très légère reprise après la crise de 2008. La moyenne dans l’OCDE est passée de 66% il y a 30 ans à 43% en 2013. L’accumulation des richesses est allée de pair avec une accalmie fiscale de longue durée.


Evolution des taux d’imposition des hauts revenus 1981-2013.

OECD (2014), “Focus on Top Incomes and Taxation in OECD Countries: Was the crisis a game changer?”

L’OCDE propose donc d’”abolir ou de réduire une grande partie des déductions et niches fiscales profitant de manière disproportionnée aux plus aisés”, de “taxer comme le revenu ordinaire les stock-options” et aussi de “réfléchir à d’autres formes de taxes sur le patrimoine”, dont le patrimoine immobilier et celui constitué par héritage. Instituer l’ISF, en somme. Ces recommandations sont “pour une grande partie déjà mises en œuvre en France”, concède pour Lexpansion.com Michael Förster, un des auteurs du rapport, citant en exemple les droits de succession. La France serait-elle à l’avant-garde, pour une fois?

“Nous avons un système exemplaire, très redistributif pour les plus bas revenus”, réagit immédiatement Henri Sterdyniak, de l’OFCE, un organisme classé plutôt à gauche. “Nous taxons lourdement les revenus du capital et les dividendes, et nous avons l’ISF. En retour, il y a le RSA, le minimum vieillesse, et un SMIC relativement élevé. En conséquence, nous avons moins chuté que les autres en 2008″, assure l’économiste.

L’égalité, au prix du chômage

La France fait mieux que les autres pour réduire les inégalités de revenus. Les prélèvements fiscaux et les prestations sociales réduisent de moitié les écarts, selon l’INSEE, même si la redistribution a marqué le pas ces dernières années. Revers de la médaille, qu’Henri Sterdyniak reconnaît volontiers, le cocon français “accentue notre niveau de chômage”, et fait qu’après la crise de 2008, “on a plus de mal à remonter la pente parce qu’on bénéficie moins de la reprise mondiale”.

En effet, alors que l’Allemagne dépend de son commerce extérieur, que le Royaume-Uni est tirée par la finance internationale, la France dépend essentiellement de sa consommation intérieure. Elle est son propre moteur économique. Derniers à être entrés dans la crise, nous serons donc les derniers à cueillir les fruitsd’une reprise qui s’avère très lente. De l’inconvénient d’être une “île heureuse” comme on surnommait déjà la France en 1929.

Foot et Economie ?

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Euro 2012: La France bat l’Espagne et perd en demi, les pronostics éco

 Par Emilie Lévêque - publié le 21/06/2012 à 07:02

On connaît désormais les huit équipes qui s’affronteront lors des phases finales de la Coupe des Nations de football. Découvrez les résultats des matches, des quarts jusqu’à la finale, selon trois critères économiques: la croissance, le chômage et la dette. And the winner is…

EURO 2012 - L'équipe de football allemande célèbre sa victoire sur le Danemark le 17 juin, qui la propulse 1ère du groupe B de l'Euro 2012.
EURO 2012 - L’équipe de football allemande célèbre sa victoire sur le Danemark le 17 juin, qui la propulse 1ère du groupe B de l’Euro 2012.
REUTERS/Eddie Keogh

Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Grèce, Italie, Portugal, République tchèque: voici les huit nations qualifiées pour les phases finales de l’Euro 2012 de football. Certaines de ses rencontres auront une résonnance très politique, vu le période de crise que traverse la zone euro actuellement. C’est notamment le cas du quart de finale Allemagne-Grèce ce vendredi. Six de ces huit pays font partie de la zone euro, trois sont assistés financièrement. Quant à l’Angleterre, c’est toute la zone euro qu’elle critique aujourd’hui. L’Expansion.com a décidé de jouer ces matches, en se basant sur trois critères économiques: la croissance, le chômage et la dette (source: prévisions de printemps de la Commission européenne). And the winner is…

Quart de finale 1: Portugal - République tchèque (0-3)

Euro 2012: La France bat l'Espagne et perd en demi, les pronostics éco

Le Portugais cristiano Ronaldo

REUTERS/Yves Herman

Les deux pays ne sont pas au mieux de leur forme économique - comme la plupart des pays européens. Le PIB du Portugal s’est contracté de 0,1% au premier trimestre. Sous assistance financière de l’Union européenne et du Fonds monétaire international depuis mai 2011, le Portugal devrait connaître cette année une récession de 3,3% du PIB, après un recul de 1,6% en 2011, et renouera avec une très faible croissance (+0,3%) en 2013. La République tchèque est elle aussi en récession: son PIB a reculé de 0,8% au premier trimestre 2012, après -0,2% au dernier trimestre 2011. Sur l’ensemble de l’année, la croissance devrait être nulle (0%), après une hausse de 1,7% en 2011. L’économique tchèque devrait néanmoins rebondir de 1,5% l’an prochain. Le taux de chômage au Portugal devrait augmenter à 15,5% de la population fin 2012, et rester à ce niveau élevé en 2013. La hausse du chômage en République tchèque est plus modérée: +0,5 point en 2012, à 7,2%, stabilisation en 2013. Concernant la situation des finances publiques, la République tchèque est là encore en meilleur état que le Portugal: son déficit sera inférieur à 3% du PIB fin 2012 et sa dette à 44%, tandis que le déficit lusitanien atteint 4,5% du PIB et la dette 114%.

Quart de finale 2: Allemagne - Grèce (3-0)

Pays le plus riche contre pays le plus endetté, locomotive de la zone euro contre maillon faible: sur le plan économique, il n’y a pas photo. Certes, la croissance allemande devrait fortement ralentir en 2012 (+0,7% de hausse du PIB après +3% en 2011), affectée par les difficultés de ses partenaires européens. Elle devrait cependant rebondir en 2013 (+1,7%). Le chômage, lui, n’en finit pas de baisser outre-rhin: de 6% de la population active fin 2011 à 5,3% fin 2013. Questions finances publiques, l’Allemagne est déjà rentrée dans les clous du Pacte de stabilité, avec un déficit inférieur à 1% du PIB et proche de zéro en 2013. Sa dette, qui s’élève à 82% du PIB, devrait commencer à refluer l’an prochain. Face à ces bons chiffres, on n’ose donner ceux de la Grèce: une économie en récession depuis 5 ans (-4,5% prévu en 2012 après -6,9% en 2011) et qui ne devrait pas repasser dans le vert avant 2014, un chômage qui fait des ravages (22,6% de la population active, un jeune sur deux touché), et bien sûr un niveau d’endettement parmi les plus élevé au monde (160% du PIB). Les bailleurs de fonds (UE, BCE et FMI) sont prêts à retarder de deux ans, à 2016, leur exigence d’un retour à l’équilibre budgétaire du pays. Fin 2012, le déficit public grec devrait s’élever à plus de 7%.

Quart de finale 3: France - Espagne (2-1)

Euro 2012: La France bat l'Espagne et perd en demi, les pronostics éco

Franck Ribéry accuse le coup de la défaite 2-0 de la rance face à la Suède lors du dernier match du groupe d de l’Euro 2012

REUTERS/Alexander Demianchuk

Les champions d’Europe 2000 contre les champions actuels du titre, les Bleus contre la Roja. Sur le papier, ce match s’annonce explosif. Sur le plan économique, la victoire revient à la France, d’une bonne tête. Depuis fin 2011, l’Espagne a replongé en récession. Son PIB devrait reculer de 1,8% cette année, puis de 0,3% en 2013. La France a échappé à la récession, mais sa croissance est quasi nulle depuis deux trimestres. Le PIB tricolore ne devrait croître que de 0,5% cette année puis de 1,3% en 2013. L’Espagne qui détient le triste record d’Europe en matière de chômage (24% de la population active). La France, elle, est dans la moyenne européenne (le seuil de 10% a été atteint au premier trimestre). Côté finances publiques, l’Espagne a un déficit supérieur à celui de la France (6,4% du PIB en 2012 contre 4,5%), mais son niveau d’endettement reste inférieur (80% du PIB fin 2012 contre 89% du PIB). Pour le moment. Le plan de sauvetage des banques espagnoles devrait en effet creuser la dette de la péninsule ibérique, d’au moins six points de PIB.

Quart de finale 4: Angleterre - Italie (3-0)

Sur le papier, la victoire de l’Angleterre sur l’Italie semble nette (3-0), mais en réalité, leurs performances économiques sont médiocrement proches. L’économie britannique s’est contractée de 0,3% au premier trimestre 2012, après une baisse similaire au trimestre précédent, faisant ainsi officiellement retomber le pays en récession. La croissance outre-manche devrait cependant atteindre 0,5% cette année puis 1,7% en 2013, alors que l’Italie, elle aussi en récession depuis fin 2011, devrait encaisser un recul de son PIB de 1,4% cette année et renouer avec une très faible croissance (+0,4%) l’an prochain. Le taux de chômage est élevé dans les deux pays (9,5% de la population active en Italie, 8,5% au Royaume-Uni). Au niveau des finances publiques, l’Italie a un déficit plus de trois fois inférieur à celui du Royaume-Uni (2% du PIB contre 6,7%), mais sa dette culmine à 120% du PIB, contre une dette de 91% outre-Manche.

Demi-finale 1: République tchèque - France (2-1)

Euro 2012: La France bat l'Espagne et perd en demi, les pronostics éco

L’équipe de football de la République tchèque

REUTERS/Petr Josek

Le match est serré, mais la République tchèque sort vainqueur, grâce à un taux de chômage plus faible (7% contre 10% en France) et un niveau d’endettement deux fois plus faible (44% du PIB contre 90% du PIB dans l’Hexagone). La France évite le score nul grâce à une croissance légèrement plus dynamique (0,5% en 2012 contre 0% pour la république tchèque).

Demi-finale 2 : Allemagne-Angleterre (3-0)

Faut-il le rappeler, l’Allemagne est le meilleur élève de l’Europe. Du point de vue de la croissance (+0,7% en 2012, +0,5% pour le Royaume-Uni), du chômage (5,5% de la population en 2012 contre 8,5% outre-manche) et de la dette (82% du PIB contre 92%).

Finale: Allemagne-République tchèque (2-1)

La république tchèque ne marque qu’un point face à l’Allemagne sur les trois critères retenus: un niveau d’endettement (44% du PIB) deux fois inférieur à celui de l’Allemagne, qui l’emporte sur le plan de la croissance et du chômage.

 

En économie comme au football, ce sont donc bien toujours les Allemands qui gagnent à la fin…

Les 7 erreurs de la stratégie budgétaire européenne

Lu pour vous, sur agefi.fr :

 

Jean-Pierre Petit

Président des Cahiers Verts de l’économie

 

Petit

Petit

 

 

Président des Cahiers Verts de l’économie, il était auparavant Directeur de la recherche économique et de la stratégie d’ Exane-BNP Paribas entre fin 1999 et fin 2008, adjoint au directeur des études économiques de la BNP (1995-1999), adjoint de direction à la Banque de France et consultant pour le Fonds monétaire international (1986-1994). Il est diplômé de Sciences Po Paris, détient une maîtrise en droit et est titulaire d’un DEA d’économie internationale. Jean Pierre Petit est l’auteur de plusieurs ouvrages dont La Bourse, rupture et renouveau (2003, Odile Jacob, 2003).

 

 

 

 

 

 

Le 24/05/2012

Les 7 erreurs de la stratégie budgétaire européenne

 

Les tensions récentes montrent, une fois de plus, la totale inefficacité de la démarche européenne qui, depuis le démarrage de la crise grecque, consiste à tenter de rétablir de la crédibilité en affichant des objectifs (réduction du ratio déficit public/PIB) irréalistes. Cette inefficacité est évidemment due à l’accentuation des tendances dépressives qu’une telle stratégie implique. Pourquoi ?           

 

1) Les délais impartis sont trop courts. Il faut donner du temps à l’ajustement et permettre aux banques de provisionner, aux Etats d’introduire des réformes douloureuses et aux populations affectées de s’adapter, ce qui est impossible en cas de récession brutale. Il est ainsi faux de prétendre que l’ajustement grec a jusqu’ici été trop « faible » ; baisse de 8 points du ratio déficit primaire/PIB en deux ans, chute des coûts salariaux unitaires… Un assouplissement des contraintes d’austérité, en particulier lorsque les retards en termes d’ajustements s’expliquent par un environnement économique plus dégradé qu’anticipé, est donc positif afin de sortir du cercle vicieux plus d’austérité/moins de croissance, même s’il appelle une réaffirmation des objectifs de long terme et des contreparties en termes de souveraineté.

2) Le désendettement public s’additionne au désendettement privé, très important dans de nombreux pays (Espagne, Irlande, Portugal, Pays-Bas…). Dès lors, ce double mouvement contraint encore plus la croissance et prohibe les objectifs de baisse de la dette en pourcentage du PIB. Depuis 2008, en Espagne, la dette des ménages et des entreprises non financières en % du PIB a à peine baissé (de 85 % à 82 % pour les ménages et de 136 % à 134 % pour les entreprises non financières). Les Etats-Unis se sont ainsi beaucoup plus nettement ajustés (dette des ménages passée de 96 % à 87 %) grâce à leur croissance plus forte due en partie à leur souplesse budgétaire.    

3) Cette stratégie s’applique de façon simultanée et généralisée dans l’ensemble des pays de la zone, ce qui renforce les pressions récessives pour tous les pays compte tenu de la très forte intégration commerciale et financière entre ces pays : rappelons que le commerce extérieur intra-zone euro représente en moyenne 17 % du PIB des 17 pays membres.         

4) Cette stratégie fait fi du contenu même de l’ajustement budgétaire (choix des mesures de baisse des dépenses et/ou de hausse d’impôts, types de dépenses : dépenses courantes vs dépenses d’investissement) qui a aussi un impact sur la croissance effective et potentielle.        

5) Cette surenchère budgétaire s’ajoute à une surenchère prudentielle sur les banques, ce qui favorise une restriction de l’offre de crédit et donc une accentuation des tendances dépressives.   

6) L’affichage de cibles (inatteignables) de réduction du ratio ouvre de plus un « boulevard » aux marchés financiers pour alimenter une défiance autoréalisante (via les taux d’intérêt) en cas de dépassement des objectifs          

7) Il est quasiment impossible de s’ajuster rapidement dans un environnement où l’on ne maîtrise pas les taux longs et où le taux de change est fixe. La crise de la zone euro est, à bien des égards, une crise de balance des paiements, semblable à celle qu’ont connue de nombreux pays émergents, notamment en 1997-98, au moment de la crise asiatique ; ces pays alliaient déficits courants et fixité du taux de change ; la crise a été « résolue » par de fortes dépréciations des taux de change et une mutualisation internationale de la crise via les interventions du Fonds monétaire international. Or le taux de change effectif de l’euro n’a que trop peu diminué et le taux long moyen pondéré à 10 ans en zone euro est de 3,3 %, soit largement au-dessus de la croissance nominale.  

 

Comme nous l’avons déjà écrit dans ces colonnes, le choix européen est donc jusqu’ici un « choix japonais », c’est-à-dire celui d’un mix de politiques économiques trop restrictif et d’ajustements structurels trop lents, à l’origine d’une croissance très faible sur un cycle long, sans règlement de la question de la dette. D’ores et déjà, plusieurs caractéristiques de « japonisation » se mettent en place (croissance réelle et nominale très faible, désendettement privé très lent, objectif d’équilibre externe afin de réduire la dépendance du pays aux flux de financement externe, contraignant ainsi la demande intérieure, utilisation croissante des investisseurs domestiques pour acheter la dette publique nationale…).

 

Comprendre le sauvetage de l’euro

Lu pour vous sur l’Expansion.fr :

Comprendre

le sauvetage de l’euro

en 10 leçons

Julie de la Brosse, Ali Bekhtaoui, Yves
Adaken
- publié le 27/10/2011 à 18:38

La situation de la Grèce, celle de l’Italie, le vrai rôle du
FSEF, celui de la Chine, le fédéralisme… En dix questions, voici ce qu’il faut
retenir de l’accord conclu cette nuit lors du sommet européen.

Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à Bruxelles.
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à Bruxelles.
REUTERS/Thierry Roge
1. La Grèce est-elle sauvée de la faillite?
Comprendre le sauvetage de l'euro en 10 leçons
Le Temple de Zeus à Athènes. REUTERS/Yannis Behrakis
Oui. La principale mesure va en effet permettre d’effacer 50% de la dette publique grecque détenue par des acteurs privés (banques, fonds d’investissement et assureurs…). Mais les 150 milliards d’euros de créances détenus par d’autres pays ou des institutions internationales (FMI, BCE…) ne sont pas concernés. Au final, le coup d’éponge s’élève à quelque 100 milliards d’euros sur un total 200. Il permet de rendre soutenable l’objectif de ramener le taux d’endettement du pays à 120% de son PIB en 2020. Ce qui reste très élevé. D’ici là, la Grèce aura évidemment du mal à faire appel aux marchés pour se financer. L’accord prévoit donc de lui donner accès à 100 milliards d’euros
de prêts publics supplémentaires.

2. Est-elle définitivement sauvée pour autant ?
Non. Décréter un effacement de 50% de la dette, autrement dit du capital emprunté, ne donne pas d’indication sur le niveau de réduction correspondant de la charge de la dette. Celle-ci représente aujourd’hui 7% du PIB. Autrement dit, le pays doit dégager un excédent budgétaire supérieur à ce chiffre pour commencer à rembourser ses dettes. D’où l’importance de connaître les modalités de la restructuration pour évaluer l’impact sur le montant des intérêts versés chaque année par le pays. Au-delà, le principal problème de la Grèce reste toutefois l’engrenage austérité-récession qui, avant même les réformes promises, réduit les rentrées fiscales et entraîne de nouveaux déficits. Pas sûr qu’elle réussisse à éviter une sorte de mise sous tutelle, envisagée par certains Grecs eux-mêmes.

Comprendre le sauvetage de l'euro en 10 leçons
Tour de la Société Générale dans le quartier de La Défense. REUTERS/Benoit Tessier
Oui, même s’il a fallu les menacer pour obtenir qu’elles acceptent d’effacer 50% de leurs créances sur la Grèce. Jusqu’au dernier moment en effet les banques ont tenté d’obtenir une décote de 40% seulement. Pour les faire plier, les négociateurs, et notamment le directeur du Trésor Ramon Fernandez, ont dû les menacer de mettre le pays en faillite sur la totalité de sa dette. Moyennant quoi, elles se sont dit jeudi “d’accord pour travailler avec la Grèce, les autorités de la zone euro et le FMI pour développer un accord volontaire et concret sur la base ferme d’une réduction de 50% de la dette nationale grecque détenue par les investisseurs privés”, selon un communiqué de l’IIF, l’institut international représentant les banques.

4. La recapitalisation des banques est-elle actée?
Oui, sur le principe, il n’y a plus tellement d’ambigüités. Les banques européennes devront toutes disposer d’un ratio de fonds propres de 9% au 30 juin 2012. Selon les estimations du régulateur européen 70 établissements seront donc obligés d’être recapitalisés, parmi lesquels trois banques françaises, la Société Générale, BPCE et BNP à hauteur de 8,8 milliards d’euros. Reste désormais à savoir par quels moyens elles vont augmenter leurs capitaux propres : cessions d’actifs, augmentations de capital, recours aux fonds publics… ? Quoi qu’il en soit l’EBA sera sévère sur un point: le plan que leur présentera les banques ne devra en aucun cas se faire eu détriment du crédit.

5. Les banques européennes sont-elles tirées d’affaire?
Pas sûr.Tout dépendra en réalité de la suite des évènements. Si le défaut de l’Italie ou de l’Espagne est véritablement évité, et que le marché finit par s’en convaincre, les banques ont assurément plus de chances de s’en sortir. En effet, elles ont les moyens d’absorber les pertes liées au défaut partiel de la Grèce, et l’Europe vient de leur garantir l’accès aux liquidités pour éviter le scénario noir de la crise de confiance. Toutefois, certaines banques, à l’image des établissements grecs, ne pourront répondre aux nouvelles exigences européennes sans d’importantes aides publiques. Par ailleurs, la conjoncture mondiale n’est guère favorable au secteur, qui en plus de devoir affronter la crise européenne, risque de voir les défauts de paiement de ses clients se multiplier, et donc le coût du risque augmenter.

6. Un FESF à 1.000 milliards d’euros, ce sera suffisant?
Pas sûr. Le fonds aura du mal à aider un pays comme l’Italie qui rencontre en ce moment des difficultés, et dont la dette publique culmine à 1.900 milliards d’euros. Ce fonds, initialement doté d’une force de frappe de 440 milliards d’euros va voir ses forces décuplées à 1.000 milliards d’euros sans que les Européens n’aient à nouveau à mettre la main à la poche. Mais en ayant recours à l’effet de levier. Il pourra en effet garantir aux investisseurs une partie de leur argent placé dans les obligations d’Etats fragiles - autour de 20% mais le chiffre officiel n’a pas encore été communiqué - dans l’hypothèse où celui-ci ferait faillite.
Sachant qu’il reste au FESF entre 250 et 275 milliards d’euros de capacité de prêt après avoir soutenu le Portugal et l’Irlande, l’effet de levier sera de
” 4 ou 5 ” comme le précise le communiqué final
.

7. Les Etats hors de la zone euro vont-ils participer au sauvetage?
Oui, et c’est politiquement l’un des sujets les plus sensibles du plan. Pour décupler les capacités de prêt du FESF, les Européens prévoient de faire appel à des capitaux étrangers et notamment à ceux de la Chine dans une structure spéciale, peut-être adossée au FMI. Les Etats prêteront une partie de leurs réserves qui serviront à acheter des titres souverains sur le marché primaire et secondaire - pour rassurer les investisseurs et soulager les taux d’intérêt -, mais également à participer à la recapitalisation des banques qui ne trouveraient de financement ni dans le privé ni dans le public.
Mais l’idée de la participation chinoise dans le sauvetage de l’euro inquiète, notamment en France. Le candidat PS à la présidentielle François Hollande s’est questionné : peut-on imaginer que si la Chine, par ce biais, venait au secours de la zone euro, elle le ferait sans aucune contrepartie ?

8. L’Italie a-t-elle rassuré?
Comprendre le sauvetage de l'euro en 10 leçons
REUTERS/Alessia Pierdomenico
Oui… Officiellement. Considérée comme le prochain domino de la crise en raison d’une gigantesque dette de 1900 milliards d’euros, l’Italie avait été sommée dimanche de présenter des mesures crédibles d’assainissement financier. Silvio Berlusconi est donc arrivé mercredi avec un projet de réforme des retraites et de libéralisation de l’économie qui a été salué par le sommet. Mais en fait, rien n’a changé. Car derrière le satisfecit, Nicolas Sarkozy a bien précisé qu’il attendait maintenant la réalisation des promesses. Tout repose donc in fine sur le degré de confiance qu’il est possible d’accorder à Berlusconi. Or celui-ci n’est manifestement pas très élevé. Interrogé dimanche sur ce sujet, Angela Merkel et le président avaient d’ailleurs eu des sourires entendus. La scène, filmée en direct, avait été vécue comme une humiliation. Le problème, c’est qu’en attendant les nécessaires réformes structurelles, ” l’Italie meurt à petit feu de son endettement ” nous expliquait récemment l’économiste de BNP Paribas, Clemente di Lucia.

9. Le fédéralisme budgétaire a-t-il progressé ?
Un peu. La réduction des déficits passe pour beaucoup d’observateurs par plus de convergence politique. Mais les décisions prises mercredi sont surtout symboliques. Les dirigeants européens se réuniront ainsi deux fois par an sous la présidence de l’actuel président de l’UE, Herman Van Rompuy, comme une préfiguration du “gouvernement économique” de l’Union monétaire souhaitée par la France. Autre avancée: un “super commissaire” à l’euro va être créé. Le poste sera confié au Finlandais Olli Rehn, déjà en charge des questions économiques et monétaire à Bruxelles. L’idée serait de renforcer à terme la surveillance budgétaire des Etats, comme le demandent Berlin et La Haye.
Les Etats européens se sont également donnés jusqu’à fin 2012 pour adopter des “règles d’or” budgétaires, même si leur efficacité pour réduire les déficit est discutée. Objectif: sanctionner plus facilement les Etats laxistes. Enfin, une modification des traités est officiellement envisagée pour aller plus loin dans l’intégration de la zone euro. Un premier rapport sera présenté en décembre faisant des propositions en ce sens sens avant un autre rapport remis, qui sera remis en mars 2012.

10. Tout risque de contagion est-il écarté?
Non. Les interrogations qui demeurent concernant la Grèce et l’Italie, de même que les imprécisions sur la mise en oeuvre de certaines mesures, comme la capacité d’intervention du FESF, suffiraient à modérer tout optimisme. Mais là n’est pas la plus grande inconnue. La croissance dans la zone euro sera en effet très faible l’année prochaine, même en Allemagne, et l’OCDE n’écarte pas le risque de la récession. Ce qui ne peut évidemment que rendre plus difficile la solution à la crise de la dette. D’autant que tous les pays européens ont engagé des programmes d’austérité qui pourraient bloquer les économies du Vieux continent dans le marasme.

3. Les banques vont-elles participer au sauvetage de la Grèce?