Les pièges de la défiscalisation

Lu pour vous sur les Echos.fr  : un article reprenant le thème récurrent des escroqueries ou mauvais conseils donnés pour vous faire payer moins d’impôt !

Règle n° 1 : il n’y a pas de miracle en finance et vous ne pouvez pas gagner de l’argent sans rien faire. Celui qui travaille pour vous s’enrichira à votre place.

Règle n° 2 : il n’y a qu’une seule règle.

L’article des Echos.fr est ici en pdf.

Les pièges de la défiscalisation

Par Nathalie Cheysson-Kaplan | 11/04 | 06:00

Aveuglés par la carotte fiscale, de nombreux contribuables ne mesurent pas les dangers d’un investissement assorti d’une réduction d’impôt. L’immobilier peut ainsi devenir un placement à haut risque. Explications.

Qu’ils soient la cible de réels escrocs ou victimes de montages hasardeux, économiquement non viables, le prix à payer est lourd lorsqu’une opération de défiscalisation tourne mal. L’investisseur risque de perdre tout ou partie de sa mise mais en plus d’être rattrapé par le fisc. Certains dispositifs sont-ils plus que d’autres concernés par ce type de dérives ? Il semble que oui…

A commencer par les différents dispositifs en faveur de l’investissement outre-mer que la Cour des comptes a estimés particulièrement propices aux fraudes en raison de leur nature et de leur complexité. «  Et pour cause. L’administration fiscale a mené des contrôles en masse sur les investissements en Girardin industriel faisant ressortir plusieurs cas de fraudes, voire des escroqueries majeures. Plusieurs milliers de contribuables en ont été victimes », témoigne Marc Roirand, avocat chez Fidal. Surfacturation, exploitation du bien non conforme aux conditions fixées par Bercy, retard ou absence de livraison ou de mise en service du matériel financé…

Investissements Robien, Scellier, Duflot…

La problématique est un peu différente avec les divers dispositifs en faveur de l’investissement locatif dans le neuf qui se sont succédé : Robien, Borloo, Scellier, et peut-être demain le Duflot. Le schéma est pratiquement toujours le même : à l’origine du projet, on trouve un promoteur qui va sélectionner un site pour y construire un ensemble immobilier. Faute de terrains disponibles dans les grandes agglomérations, le programme est construit à proximité d’une ville de taille moyenne, quand il ne se trouve pas en rase campagne… Bref, dans un endroit où les prix sont bas mais où il n’y a pas de demande locative ! Une société spécialisée dans la défiscalisation est mandatée par le promoteur pour vendre les logements sur plan auprès des particuliers. «  Dès le départ, tout est fait pour que l’investisseur n’ait pas à se rendre sur place et qu’il ne voie pas ce qu’il achète. Il est démarché par un conseiller qui va lui donner rendez-vous chez lui ou sur son lieu de travail et qui va lui proposer un bien situé à plusieurs centaines de kilomètres », explique Stéphane Dayan, avocat à Paris 8e.

Le leitmotiv de ces commerciaux pour emporter la décision des investisseurs hésitants ? « On s’occupe de tout. » De fait, la vente du logement est comprise dans un package qui inclut le prêt qui finance l’acquisition, l’assurance du logement, une garantie pour couvrir les impayés… «  On impose également aux acheteurs un gestionnaire qui se chargera de louer le bien mais aussi de le réceptionner, une fois les travaux achevés, pour être certain qu’ils ne se déplaceront pas », ajoute Stéphane Dayan.

Tout cela est étayé par des simulations de rendement alléchantes, calculées sur la base des loyers plafonds autorisés par le dispositif de défiscalisation en vigueur, mais qui sont souvent supérieurs à ceux du marché local. Au final, l’acheteur risque de se retrouver avec un bien non liquide qu’il a surpayé, sans loyer faute de locataire, avec des charges supplémentaires - charges de copropriété, taxe foncière… - et un crédit sur quinze ans, voire sur vingt ans… Cerise sur le gâteau : si le logement n’est pas loué dans l’année qui suit la fin des travaux, le propriétaire ne pourra pas prétendre à la réduction d’impôt…

Résidence services

Autre type d’investissements dont il faut se méfier : les résidences services. Il s’agit d’ensembles immobiliers destinées à la location meublée, composés de studios et d’appartements, qui comportent des services para-hôteliers et des équipements communs (cafétéria, piscine, salles de sports, laverie…) qui varient selon que la résidence accueille des étudiants, des touristes, des seniors, etc.

Les propriétaires ne louent pas leurs biens en direct mais signent un bail, de neuf ans minimum, avec un exploitant chargé de gérer la résidence et de leur reverser un loyer dont le montant est soi-disant garanti. «  Pour les inciter à investir, certains exploitants peu scrupuleux affichent des taux de rentabilité de l’ordre de 4 à 4,5 % par an en gonflant artificiellement le montant des loyers », indique Hélène Feron-Poloni, avocate à Paris (17e). Économiquement, ce n’est pas tenable, même si, dans un premier temps, certains constructeurs comblent les déficits de l’exploitant par le versement de « fonds de concours » généralement constitués sur le dos des acheteurs, via une majoration du prix de vente. Conséquence : tôt ou tard, l’exploitant ne pourra plus payer les loyers et va proposer de les revoir à la baisse. Baisse que les propriétaires seront contraints d’accepter car ils sont pieds et poings liés avec l’exploitant. Non seulement ils ne peuvent pas résilier le bail qui les lie à ce dernier sans s’exposer à devoir lui verser une indemnité d’éviction, mais aussi ils doivent lui louer le bien, pendant au moins neuf ans, s’ils ne veulent pas perdre la réduction d’impôt attachée à ce dispositif.

Les précautions à prendre avant de signer

Le marché. Il faut s’assurer que la demande pour le type de bien convoité est réelle, que le marché n’est pas saturé et qu’il n’y a pas pléthore de programmes concurrents. Vérifier le choix du site et de l’emplacement : ils doivent correspondre à leur vocation (proximité d’un centre universitaire pour une résidence étudiante, par exemple).
Le promoteur. Vérifier sa solvabilité et sa pérennité, qu’il n’est pas en train de déposer le bilan, qu’il ne s’agit pas d’une micro-société constituée pour l’occasion, dotée d’un capital de seulement quelques milliers d’euros… Visiter les programmes ou les résidences qu’il a déjà construits pour se faire une idée de leur qualité.
L’appartement. Ne jamais acheter plusieurs biens en même temps dans le même immeuble. Repérer sur le contrat de réservation la situation nord/sud/est/ouest du lot : un appartement exposé plein nord se louera moins bien qu’un appartement plein sud…
Le financement. Eviter les opérations packagées avec un prêt in fine adossé à un contrat d’assurance-vie ou avec un prêt à taux variable non capé. Il faut s’adresser à son propre banquier qui aura un oeil critique et fera une véritable étude de faisabilité.

Écrit par Nathalie Cheysson-Kaplan